Parce que son œuvre de transformation sociale et politique s’est accompagnée d’un bouleversement vertigineux des représentations du monde, la Révolution française a provoqué une libération de l’imaginaire et de la sensibilité qui a puissamment irrigué la création littéraire. Nous suivrons le sillage des fictions et des visions révolutionnaires, en quête de quelques-unes de ces voix subjectives mêlées au flot intarissable de la parole politique engendré par l’événement. L’une d’elles nous retiendra plus particulièrement, pour avoir recherché au cœur de la mémoire de la Révolution les accents des grands drames de Shakespeare, fondus dans l’unisson utopique d’un théâtre du peuple. Par le déploiement, tout au long d’un demi-siècle, du cycle inachevé des huit pièces de son Théâtre de la Révolution, Romain Rolland aura transcendé les crises et les abîmes de l’Histoire, de l’Affaire Dreyfus au crépuscule du Front Populaire, dans l’ombre portée des guerres qui frappent et qui menacent.